J’ai un peu hésité avant de me lancer dans la rédaction de cet article parce que je sens que c’est un peu touchy. Mais en y réfléchissant, c’est justement parce que c’est un sujet sensible dont on ne parle pas facilement que j’ai envie de le faire. Donc, celles et ceux qui ne veulent pas savoir ou que ça dégoute: par avance, passez votre chemin, on risque de parler de seins, d’allaitement, de fluide corporel etc…
Celles qui sont restées, merci pour les quelques minutes de lecture que vous allez m’accorder, c’est important à mes yeux.
Alors voilà: depuis quelques semaines, je donne mon lait maternel. C’est une démarche qui m’est apparue tout aussi normale que donner son sang, sauf que je n’ai jamais rempli les critères (de poids notamment) pour le faire, malgré l’appartenance à un groupe rare et recherché.
Vous vous demandez sans doute comment j’ai entendu parler de ça. C’est vrai qu’on connait tous le don de sang, un peu moins celui de plaquettes mais alors il y a un désert de communication en ce qui concerne le don de lait maternel, c’est assez affligeant. A part quand on va dans une maternité pro allaitement (et encore, il faut avoir envie de trouver l’info parmi les mille affiches placardées), on a peu de chance de tomber sur une campagne de publicité dans le métro. Et c’est vraiment dommage parce qu’il faut peu de lait pour faire de grandes choses. Pour ma part, c’est en discutant avec la conseillère en lactation de ma maternité que j’ai eu connaissance de l’info.
Le lait maternel a des propriétés nutritionnelles et immunologiques que la science ne sait pas encore reproduire avec du lait en poudre. Il suffit, pourtant, de quelques centilitres donnés à la seringue pour répondre aux besoins des nourrissons hospitalisés, notamment les prématurés en néonat, les bébés ayant une pathologie digestive, une intolérance aux protéines de lait de vache, une insuffisance rénale… Il faut savoir qu’en Ile de France, chaque année, 2.500 bébés sont concernés par le don de lait. Et sur l’ensemble du territoire, il s’agit de 10.000 bébés, par an.
Le don de lait est anonyme et bénévole. Une fois le lait recueilli, il est pasteurisé pour enrayer tout risque de contamination par des virus, bactéries ou toxiques. Cela ne nuit a priori en rien à l’essentiel de ses propriétés.
En pratique, pour donner son lait, on contacte le lactarium d’IDF (plus facile à joindre par mail que par téléphone, au passage), banque de lait, située au sein de l’hôpital Necker. Après un entretien téléphonique au cours duquel on vous explique les enjeux, les démarches et les conditions à remplir (notamment, ne pas avoir été transfusé, ne pas se droguer, ne pas avoir voyagé dans des pays exposés à certains virus etc), si vous êtes éligible au don, un rendez-vous à domicile sera pris pour vous livrer le matériel et vous expliquer à nouveau ce qu’on attend de vous.
Pour moi, pas de souci, j’étais éligible. Un rendez-vous m’a alors été donné chez moi quelques jours plus tard. Sur place, la personne du lactarium m’a apporté des biberons de différentes taille (déjà stérilisés – prêts à être congelés), des pastilles pour stériliser les accessoires de mon tire-lait, une notice explicative, un questionnaire de santé à faire remplir par mon médecin traitant ou ma sage femme et des petites étiquettes à coller sur les biberons (pour noter la date et la quantité prélevée). J’aurais aussi pu me faire prêter un tire-lait mais j’en avais déjà un très bien donc j’ai décliné l’offre.
A côté de ce matériel, on vous donne une pochette plastique contenant des tubes à essai pour aller faire une prise de sang permettant de vérifier votre sérologie et un certain nombre de maladies rendant impossible le don. Il faut aller au labo se faire piquer et récupérer les fioles car c’est à Necker que les analyses seront faites, directement (sûrement pour une uniformité des résultats).
Une fois ce premier rendez-vous effectué, on convient avec la personne du lactarium de se revoir environ toutes les 2 à 3 semaines pour qu’elle vienne chercher votre récolte. Clairement, c’est un peu contraignant sur ce point parce que les biberons doivent être congelés, dans l’attente de la prochaine visite. Selon la taille de votre congélateur, cela peut vite devenir encombrant (adieu les glaces et les pizzas surgelées… ). A chaque passage du lactarium, on vous approvisionne en biberons, en pastilles etc….
Autre point délicat: Qui dit don, dit récolte. C’est là qu’intervient le tire-lait, cet engin étrange qui nous transforme un peu en vache à traire. Les premiers essais sont assez bizarres. Il faut se faire à la manoeuvre et accepter l’image de pompe humaine. Mais, je vous rassure, ce n’est pas douloureux et puis ça ne prend que quelques minutes avec le bon outillage (j’ai un Medela Symphony loué à la pharmacie). Finalement, on s’y fait vite. Et pour moi, ce n’était pas tant une contrainte que ça: Avant de faire don de mon lait, j’avais déjà envisagé de faire des provisions pour ma fille, pour le cas où je serais venue à manquer de lait avant la date que je m’étais fixée pour arrêter l’allaitement.
Aujourd’hui, nous voilà à M4 (presque 5) de la naissance de ma fille. Cela fait plus d’un mois que je donne régulièrement mon lait et je dois dire que cette toute petite démarche, à mon échelle, me remplit d’une fierté toute bête. Parce que finalement, le sujet ne devrait pas être tabou ou sensible. C’est une démarche on ne peut plus simple et qui peut sauver des vies, sans aucune véritable contrainte pour la donneuse qui fait ça tranquillement chez elle, en parallèle de l’allaitement de sa progéniture. Alors pourquoi se poser la question? Pourquoi en faire un sujet délicat?
D’autant qu’il y a très peu de contre-indications pour être candidate au don. Comme indiqué plus haut, hormis quelques maladies graves comme l’hépatite ou le VIH, avoir été transfusée ou prendre régulièrement des médicaments incompatibles avec l’allaitement lui-même, toutes les mamans allaitantes peuvent donner. J’entends souvent autour de moi des copines me dire qu’elles aimeraient donner mais ont peur de ne pas avoir assez de lait. C’est dommage de s’arrêter à cette idée reçue: D’une part, la lactation, ça s’entretient (pas uniquement pour donner mais surtout pour nourrir nos bambins) avec des gestes simples comme boire beaucoup d’eau, tirer son lait ou donner la tétée à la demande. En cas de baisse de régime, on peut ajouter le fait de boire des tisanes spéciales allaitement, manger des amandes, éviter les choux (on me souffle dans l’oreillette que c’est une idée reçue), prendre de l’homéopathie etc… Une lactation bien entretenue peut vraiment se dérouler sans aucun souci ni pour votre enfant, ni pour donner le surplus. D’autre part, les quantités dont les bébés ont besoin en néonat sont minimes : seulement 100ml par jour suffisent à nourrir un prématuré. Si on rapporte ce chiffre sur 15 jours, ça veut dire qu’un préma va boire l’équivalent d’une bouteille d’eau minérale en 15 jours. Sachant que le lactarium vous demande de répondre à ce minimum de 100ml par don (un don = une récolte de plusieurs biberons), c’est a priori à la portée de toutes celles qui allaitent.
Pour ma part, je tire mon lait le soir après que baby T soit endormie. Ainsi, je sais que j’ai plusieurs heures devant moi avant qu’elle me réclame de nouveau une tétée et tout ce que je tire est partagé en 2: un peu pour ma fille (pour les jours où je ne peux pas la nourrir au sein) et un peu pour le don. Parfois, j’ai beaucoup de lait, d’autres fois, j’en ai moins. Il ne faut pas s’affoler, c’est comme tout, il y a des jours avec et des jours sans. Je ne mets pas la pression et ça se passe plutôt bien. En général, il est recommandé de tirer son lait le matin parce qu’il est plus abondant (plus riche?) mais j’ai remarqué que ma fille n’apprécie pas les tétées suivantes : elle s’énerve au sein, réclame plus souvent etc…. Le soir, au moins, je ne trouble pas les habitudes de ma fille, même si j’ai un peu moins de production. Comme ça, je contente tout le monde.
En discutant avec le personnel du lactarium, je me suis rendue compte que les moyens humains et financiers dont dispose le centre sont ridicules. Il n’y a que 2 personnes sur toute la région pour venir faire la récolte, par exemple. C’est impensable ! J’ai d’ailleurs eu la boule au ventre et les larmes aux yeux, la première fois que le personnel m’a remercié avec insistance de ce geste « extraordinaire et altruiste » que je faisais. Je n’avais pourtant pas l’impression de faire quelque chose de si incroyable. Encore aujourd’hui, cela ne me parait pas être un truc hallucinant, au contraire, c’est normal. Confidence pour confidence: je fais partie de celles qui ont « beaucoup » de lait alors à la limite c’est même un soulagement pour moi de trouver une utilité à ce surplus.
Avec le recul, comme j’ai eu la chance d’accoucher à terme d’un bébé en pleine forme, je n’ai pas eu de question à me poser sur la manière dont j’allais nourrir ma fille. Mais, quand je vois autour de moi, les copines qui donnent naissance à des bébés malades ou prématurés et qui auraient voulu allaité mais ne le peuvent pas, je me rends compte de l’importance de ce petit geste. Et si j’avais été à la place de l’une de ces mamans, je crois que j’aurais été bien heureuse de savoir que le don de lait existe.
Alors, voilà, c’est un peu mon cheval de bataille du moment (tant que j’allaite en tous cas). Chaque jour, quand je vois ma fille en pleine forme, j’imagine les autres bébés qui boivent le même lait qu’elle et j’espère qu’ils vont bien aussi.
Futures mamans ou mamans allaitantes, pensez-y. Ce n’est pas grand chose à notre niveau, il faut vraiment peu de quantité pour que tous ces petits bébés soient en pleine forme.
J’espère avoir été complète sur le sujet. Dans le cas contraire, n’hésitez pas à me questionner en commentaire, par mail ou par pigeon voyageur etc… je vous répondrai avec plaisir, si vous ne trouvez pas ce que vous êtes venu chercher dans cet article.
Allez, zou, je retourne à mon tire-lait (et promis la semaine prochaine, on revient à des sujets plus légers que tout le monde pourra lire sans être dégouté) 😉
Infos pratiques:
Hôpital universitaire Necker-Enfants malades
Pôle mère-enfant Laennec
149 rue de Sèvres – 75015 Paris
Par téléphone: 01 71 19 60 47 (du lundi au vendredi de 8h30 à 16h sauf jours fériés)
Par email: lactarium.idf@nck.aphp.fr
Super article et intéressant.
Justement hier je lisais un article canadien qui parlait du don de lait, démarche que je ne connaissais pas.
Merci pour les détails.
J’ai accouché il y a un mois et cela fait quelques jours que nous sommes bien réglés et que’je commence à apprécier car j’ai moins mal…
Dommage que j habite à la campagne et que ça ne doit exister que sur Paris !
A bientôt
Hello Julie,
Félicitations pour l’arrivée de ton petit bout. C’est vrai que les débuts de l’allaitement sont rarement simples. Mais tu verras, moins tu te mets la pression, mieux ça fonctionne.
Je ne sais pas où tu habites mais renseignes toi à la maternité où tu as accouché: il y a des lactariums partout en France donc il y en a forcément un près de chez toi. Je cite celui de Paris parce que c’est celui que je connais et fréquente, voilà 😉
Coucou Johanna,
Je ne connais que très bien le sujet puisque mes jumeaux sont nés grands prémas à 6mois 1/2 et que tout de suite on m’a fait comprendre qu’il seraient nourris au lait maternel (le mien ou des dons).
La sage femme m’a donc très bien guidé pour tirer mon lait dès le départ et même si j’avoue que les débuts sont un peu difficiles quand le bébé ne va pas au sein et que tout se fait avec le tire lait, j’ai pu nourrir mes jumeaux sans soucis et faire des dons. J’avoue avoir même du jeter du lait car à la maternité de ma ville ils n’arrivaient plus à stocker, mon congélo était plein et ça me soulageait tellement de tirer mon lait… Les allaitantes comprendront de quoi je parle ! 😀
Parce qu’effectivement, mes jumeaux avaient besoin de faible quantité chaque jour mais moi je produisais du lait comme pour des jumeaux nés à terme alors je te laisse imaginer…
C’est bien d’en parler, même s’il y a 12 ans quand je l’ai fait, le protocole était moins contraignant. A la maternité de ma ville, ils prenaient le lait congelé que j’amenais directement en glacière.
Bises et bon allaitement !
Mais oui c’est vrai que tu as des jumeaux, j’avais complètement zappé. Effectivement, ça devait être drôle de gérer le débit pour 2 bébés à terme quand ils sont préma… je vois tout à fait de quoi tu parles alors que je n’en ai qu’une à nourrir… Ahem….
Bref, c’est vrai que le protocole est devenu plus contraignant mais on m’a expliqué qu’il y avait eu des dérives : des femmes qui donnent du faux lait maternel (comprendre du lait de vache), d’autres qui ne respectent pas les règles d’hygiène ou de chaine du froid etc…
C’est dommage parce que ça doit certainement en freiner certaines toutes ces complications.
Bisoux à toi aussi (avec tes grands)
Je trouve ça top de donner (il faudra que j’y réflechisse…). J’ai 2 copines dans mon entourage qui l’ont fait donc le sujet ne m’a pas du tout surpris, je trouve ça bien d’en parler.
Par contre, trop drole !! J’ai été à une formation sur l’allaitement cette semaine et toi aussi tu as quelques idées reçues je crois ! En effet, la lactation s’entretien mais le seul fait de donner et tirer son lait contribue à l’entretenir.
D’après la formatrice, pas besoin de privilegier certains aliments ni même d’éviter le choux ! A priori, au contraire, le lait odorant (provoqué par du choux notamment) est plus appetant pour le bébé ! Donc ça serait une idée reçue
Tu te feras une poelée ce soir et tu me diras ce qu’en a pensé ta fille !!
Bon allez j’ai encore un peu le temps d’y reflechir mais bravo en tous cas c’est top de faire ça !
Je crois en fait que la plupart du temps, on recommande d’éviter le chou pour sauver bébé d’une crise de coliques plus que pour l’odeur donnée au lait (j’sais pas pour vous, mais moi les choux me donnent des airs de trompette ambulantes (avec les maux de ventre qui précèdent ces derniers!)
Je n’avais pas vu ça sous cet angle mais ça parait assez logique puisque certains adultes ont du mal à digérer les choux. Sans doute que les petits aussi…
Pour ma part, je me suis gavée de choux en tous genre pendant ma grossesse (j’en rêvais la nuit) mais depuis que Baby T est née je me rends compte qu’elle n’aime pas ça. Sur le coup, j’ai pensé que ça avait un effet sur ma lactation mais c’est peut être juste le goût ou les ballonnements que ça entraine qui la gêne…
Ahah oui, je me rends compte que j’ai fait un raccourci un peu rapide : en fait les solutions dont je parle pour entretenir la lactation m’ont été utiles quand j’ai eu une baisse de régime au cours du 3ème mois. C’est ma sage femme qui m’a expliqué (je reprends mais sûrement de manière très approximative hein) que le 3ème mois correspond à un changement de cycle: l’allaitement n’est plus hormonal, il devient « automatique » et cela se traduit par une sensation de seins vides, comme si on avait moins de lait. C’est à ce moment précis qu’il faut redoubler de vigilance et entretenir d’avantage sa lactation pour ne pas qu’elle s’arrête brusquement par défaut d’entretien. Mais sinon, tu as raison, le fait de nourrir bébé (au sein ou au biberon via le tire-lait) suffit à pérenniser l’allaitement, en principe. Je m’en vais modifier mon paragraphe sur ce point pour ne pas qu’il y ait de malentendu. Quant aux choux, je t’avoue que même si j’adore ça, je trouve malgré tout que Baby T est moins satisfaite du lait juste après que j’en mange. Mais c’est peut être le goût (et non le débit) qui joue…. A vérifier 😉
Je te souhaite une très belle fin de grossesse en tous cas. Bises
coucou Johanna, je l’ai fait moi aussi en 2012 et j’etais vraiment fiere de participer à l’allaitement des petits prématurés! bravo à toi!
Hello Fatna,
C’est top que tu l’aies fait aussi !
Comment en avais-tu entendu parler?
Article génial !!! Merci! Bébé a 4 mois j allaite tjs et je mettiais pas poser là question je vais regarder ça de plus près si ici je peux le faire!
Merci. Si j’ai pu t’intéresser au sujet et encore mieux te donner envie de t’y mettre, je suis contente 🙂
Et félicitations pour l’arrivée de Baby également !
J’ai bcp tiré ici lors du séjour à l’hôpital de notre loulou. Pas mal coachée par le personnel au départ. Puis qui m’a un peu laissée de côté lorsqu’ils ont vu que j’étais bien lancée. Au point que le congel de l’hôpital s’est rempli bien plus que nécessaire pour notre utilisation personnelle. J’ai donc posé la question du don mais pas d’infos ici. Même si ils font appel à une association pour justement en récupérer pour les prématurés notamment, ils ne savaient pas quoi faire de mon surplus à part le jeter… question d’hygiène que je comprends mais qui m’a laissée pleine d’interrogations : pourquoi ne pas tenter d’organiser quelque chose puisqu’ils ont des besoins et une bonne source aussi de façon régulière… Bref finalement je suis repartie avec « mon stock » et dois prendre le temps de me renseigner. Même si j’imagine que la production passée ne pourra probablement pas trouver receveurs… c’est sur ma to do ! (et merci pour ce rappel !)
J’avoue, j’ai beaucoup pensé à toi en écrivant cet article. J’espère que ton petit poisson se porte bien désormais.
Ici, c’est pareil, la production antérieure aux démarches de don ne peut être utilisée (avant, ils étaient moins regardants apparemment) question d’hygiène. Du coup, je me suis retrouvée comme toi avec des stocks plein le congélo. J’ai pris la décision de les donner à ma fille au fur et à mesure pour l’habituer au biberon sans attendre d’avoir repris le travail. Et au final, je ne regrette pas parce que ça été un challenge le bib au départ. Elle n’en voulait absolument pas. Maintenant, elle prend à loisir le sein et le bib. Quant à moi, je continue de tirer pour elle et pour donner. Et je ne suis plus obligée de déballer le sein en plein resto, j’ai toujours un bib sur moi. 2ème effet kiss kool: je m’autorise une coupette de temps en temps grâce à ça ahah.
Bisoux ma belle et plein de pensées à toute la petite famille jolie.