Il y a 2 ans, avec mon mec on s’est rendu compte que nos meilleurs souvenirs de voyage étaient souvent liés à des lieux réputés pour leur gastronomie, comme le Japon ou l’Italie qui sont 2 de nos pays préférés. Partant de ce constat, nous avons décidé que nos prochains voyages seraient nécessairement tournés vers la culture food, quitte à organiser le séjour autour d’une envie, d’un plat emblématique ou d’un restaurant…
J’ai bien conscience qu’en disant ça, certains vont trouver que nous sommes étranges (il n’y a pas que la bouffe dans la vie) mais nos périples n’ont jamais la même saveur quand nous repensons des années après à la viande de Matsusaka fondante dégustée à Osaka, aux clams frais sur la plage de Coney Ilsand, aux fruit pies gigantesques à côté de Page ou aux burritos garnis de cactus à Los Angeles.
C’est comme ça que nous avons programmé un week-end gastronomique, à Modène en février 2015, pour tester l’Osteria Francescana (#3 au 50 Best cette année là) et découvrir la région de Bologne. En 2016, ma grossesse a quelque peu ralenti la capacité de mon estomac. Mais cette année, on est bien décidé à reprendre nos périples gastronomiques et plus particulièrement, nous avons pour projet de nous concentrer sur les meilleures tables du monde recensées sur le site 50 Best. Cet été, était donc l’occasion rêvée d’aller taquiner le Mirazur puisque le 4ème meilleur restaurant du monde (selon le 50 Best 2017) se trouve à quelques kilomètres de chez mes parents, à Menton.
Après une petite heure de voiture, nous arrivons à hauteur de l’ancien poste frontière entre la France et l’Italie. Droit devant le tunnel vers Vintimille, à gauche, une bicoque désertée, à droite la falaise et la mer. C’est au milieu d’une végétation luxuriante, suspendu dans le vide que se trouve l’établissement.
Y accéder se mérite : nous sommes passés 4 fois devant sans le voir. Au milieu des bananiers, des palmiers et autres plantes exotiques, il faut deviner l’enseigne discrète annonçant « Mirazur ». A l’intérieur, la salle est dénuée de toute décoration et pour cause, le panorama qu’on découvre derrière la large baie vitrée est LE vrai spectacle qui change au fil des saisons sans effort. Les tables rondes en bois brut sont toutes tournées vers la mer, le reste de la baie vitrée est littéralement mangé par la végétation alentour qui donne un sentiment de vivre dedans/ dehors, avec une température constante de 25°. Si, ça, ce n’est pas le paradis, ça s’en rapproche drôlement.
Une fois attablé, on se laisse guider : Il n’y a que 3 menus. Le chef italo-argentin, Mauro Colagreco ancien de chez Alain Passard, cultive son potager et aime les alliances terre/ mer/ montagne. Nous choisissons le menu signature et le temps d’admirer le panorama, on nous amène quelques amuse-bouches aussi improbables que délicieux comme l’arrête de sardine condiment citron et câpre, l’escargot végétal (un petit fagot herbacé enroulé dans une feuille de chou rave braisé) ou encore le club sandwich réinventé qui se compose d’un petit jardin de salades et herbes aromatiques délicatement posé sur une tranche de lard cristallisé…
Ça commence très fort. Le ton est donné !
Arrivent les entrées :
Huitre Gillardeau, perles de tapioca, crème d’échalote, déclinaison de poire Williams. Une merveille, tout simplement.
« La Tomate » : 4 assiettes à base de tomate pour prouver au plus septique que ce fruit peut se déguster et se réinventer de mille et une façons. Ici, en gelée et composition florale, en gaspacho et amandes fraiches, en « steak » grillé avec anchois, câpres et lait de mozzarella ou encore confite en petite crêpe garnie de burrata. Mention spéciale à la gelée. Les yeux fermés, on a l’impression de croquer dans une tomate qui se liquéfie dans la bouche. Chaque cuillère a une saveur différente selon les fleurs qui l’accompagnent. Quant au steak, il pousserait presque à devenir végétarien avec sa texture très charnue et ce goût de braise qui n’est pas sans rappeler les origines argentines du Chef.
Vient ensuite la betterave en croute de sel et crème de caviar. Une texture parfaite, une cuisson maîtrisée et la crème de caviar qui apporte une note salée, iodée au légume sucré et terreux. Très convainquant.
La langoustine qui suit est servie avec des pêches pochées et un jus de verveine. Le plat est copieux, à l’instar de ce qui a précédé. Les langoustines sont de très belle taille, bien dodues, cuites à la perfection, fermes et fondantes avec une légère résistance sous la dent. Pour en venir à bout, il faut bien 3 bouchées généreuses par pièce. Le rêve pour ceux qui aiment ce crustacé… On dirait presque des petites queues de langoustes (!). Les pêches sont compotées et suaves. Quant au jus de verveine, il me fait penser à un dashi parfaitement maîtrisé. J’en mettrais bien dans un simple bol de nouilles japonaises pour en apprécier toute la complexité.
La pêche du jour est une tranche de ventrèche de thon servie avec une purée d’ail noir et une sauce hollandaise à la réglisse. Etrangement, c’est le plat que j’attendais le plus étant dingue de thon. Mais, la sauce hollandaise m’a semblé un peu trop forte pour ce poisson gras à la saveur plus délicate qu’il n’y paraît. Encore une fois, la cuisson est menée d’une main de maître. La chair est rosée à cœur, très légèrement caramélisée sur la tranche. On pourrait croire à une tranche de cochon. Les petits légumes et l’ail noir viennent juste affrioler les papilles, sans voler la vedette au poisson. Bonheur !
Apothéose lorsque surgit l’assiette sublime de pigeon de Marie Le Guen, sauce sésame, risotto d’épeautre, épeautre croustillant, condiment fraises des bois. Bien que je ne sois pas une férue de gibier et de viande en général, ce plat est très certainement celui que je citerai spontanément lorsqu’on me demandera ce que j’ai mangé au Mirazur. Cette assiette est le bouquet final d’un feu d’artifice gustatif. Tout y est : le croquant, le moelleux, le fondant, le croustillant, le sucré, le salé, l’acide, le doux, l’amer, le chaud, le froid… C’est un tableau aussi joli à regarder qu’à déguster.
En interlude avant les desserts, on nous propose une sélection de fromages à s’en lécher les babines mais il faut bien reconnaître que nous sommes pleins et totalement incapables d’avaler le moindre morceau de fromage. Ce sera pour une prochaine fois.
Enfin, arrivent les dessert.
Textures de figue: Une boule en verre transparente laisse apparaitre un granité, une panna cotta, une compote et quelques morceaux de figues fraiches. C’est exactement ce dont nous avions besoin pour calmer le jeu. Un dessert tout en fraicheur et légèreté qui se laisse manger sans fin et révèle les différents arômes du fruit.
Et nous finissons ce déjeuner exceptionnel sur le dernier dessert : Naranjo en flor, comprendre une mousseline de safran de Saint Joseph de Sospel, servie avec un sorbet à l’orange et un espuma d’amande. Cette composition blanche et jaune qui rappelle un œuf au plat est une véritable surprise. L’orange est douceâtre, le safran pétillant vient relever la crème mousseline onctueuse et l’espuma d’amande ressemble à un nuage. Encore une assiette qui frôle la perfection.
Pour conclure, je dirai que le Mirazur n’a pas volé sa 4ème place de meilleur restaurant du monde. Hormis quelques minuscules couacs de service (et encore, c’est bien parce qu’à ce niveau d’excellence, on peut se permettre d’être plus exigent), le repas s’est déroulé crescendo avec des plats de plus en plus dingues, des produits d’une qualité incroyable respectés et des saveurs parfaitement mises en valeur. Et le plus fou (pour moi) est de réussir à convaincre avec des plats dont l’énoncé n’appelait rien chez moi à première vue et qui se sont révélés être des bombes atomiques. Comme quoi, se laisser faire c’est bien parfois 🙂
Monsieur Mauro, merci ! Vous me reverrez, soyez en sûr.
Infos pratiques:
Le Mirazur
30 Avenue Aristide Briand
06500 Menton
C’est trop beau et ça donne envie d’aller tester!
Je dois bien avouer qu’en regardant les photos, j’ai envie d’y retourner 😛